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Que signifie « disruptif » et pourquoi tout le monde sort ce mot ?

Par Jacques Pezet — 13 octobre 2017 à 18:03
Question posée par Martin sur Checknews.fr le 12 octobre 2017

Ce terme utilisé depuis une quinzaine d’années dans les milieux économiques pour caractériser les « innovations » de certaines start-up est désormais utilisé à tout va.

Jacques Pezet : Vous avez raison: on retrouve les mots « disruption » et ses dérivés un peu partout aujourd’hui. Ainsi on entend parler de « président disruptif« , de startup qui « a pour ambition de disrupter le secteur de la douche » ou d’autres qui veulent « disrupter le chômage ».

En mai 2017, France Télévision expliquait au Monde que les invités mystères de l’Emission Politique, comme Christine Angot, étaient « parfois disruptifs ».

 

Rupture ou fracture selon le Littré

Selon une définition présente dans le Dictionnaire de la langue française (1874) d’Emile Littré, le mot disruption signifie « rupture » ou « fracture« . Pourtant on ne comprend pas trop ce que signifie « fracasser le secteur de la douche ».

Si « disruption » s’est échappé du cercle restreint des cruciverbistes (les amateurs de mots croisés) pour se retrouver de manière très présente dans le vocable d’aujourd’hui, c’est surtout dû à son emploi dans le milieu de l’économie avec l’apparition de jeunes entreprises (les fameuses startups), qui ont su utiliser les outils numériques pour transformer certains marchés.

On pense notamment à Uber, Airbnb ou Netflix qui ont cassé des systèmes, qui paraissaient établis, des taxis, de l’hôtellerie ou de la location de films ou de séries, en proposant des services innovants (devenir soi-même chauffeur de sa propre voiture, louer son ou ses appartements et permettre pour un prix réduire d’accéder à des catalogues entiers de contenus culturels).
Depuis tout entrepreneur qui a de l’ambition et espère connaître un succès aussi important que les entreprises citées, souhaite trouver l’idée disruptive qui lui permettra de transformer un marché pour faire table rase du passé.

 

L’Obs parle de « Disruption » avec le créateur du concept

En janvier 2016, la rédactrice en chef du service économie de L’Obs, Dominique Nora, avait consacré un article au concept de « Disruption » expliqué par son créateur ». Elle y faisait la recension du livre « New : 15 approches disruptives de l’innovation« , signé par Jean-Marie Dru.

Dans cette fiche de lecture, on apprend notamment que :
 » DISRUPTION est une marque appartenant à TBWA [une important agence de publicité américaine; NDLR] depuis 1992, enregistrée dans 36 pays dont l’Union Européenne, les Etats-Unis, la Russie, l’Inde et le Japon. »

Mais aussi qu’il n’a pas toujours eu un aura lié à l’entreprise 

Même en anglais, au début des années 90, le mot ‘disruption’ n’était jamais employé dans le business. L’adjectif caractérisait les traumatismes liés à une catastrophe naturelle, tremblement de terre ou tsunami… »

Selon Jean-Marie Dru, père du concept, le terme sert d’abord à qualifier la « méthodologie créative » proposée aux clients de son agence. Puis le professeur de Harvard, Clayton Christensen, va populariser l’expression à la fin des années 90 en parlant « d’innovation disruptive« .
Les deux hommes ont l’air de se chamailler sur la qualité de « qui peut être disruptif? ».

✅   Dru estime que « pour Christensen, ne sont disruptifs que les nouveaux entrants qui abordent le marché par le bas, et se servent des nouvelles technologies pour proposer des produits ou services moins cher« 
✅   Alors que Christensen considère que la disruption n’est pas réservée uniquement aux startups puisque de grands groupes comme Apple ou Red Bull sont capables de « succès disruptifs ».

Finalement au mileu de tous ces « disruptifs« , L’Obs apporte cette définition de la disruption : « Une méthodologie dynamique tournée vers la création« .

C’est l’idée qui permet de remettre en question les « Conventions » généralement pratiquées sur un marché, pour accoucher d’une « Vision« , créatrice de produits et de services radicalement innovants.

Force est de constater que le marketing et les médias ont employé ces mots à tire-larigot et qu’ils peuvent être désormais utilisés dans n’importe quel contexte au lieu de « changer » ou « transformer », voire même de « schtroumpfer ».
Ne vous étonnez pas si votre conjoint se vante d’avoir « disrupter » la pelouse en la faisant passer d’abondante à tondue, ou d’avoir « disrupté » le fait de se laver en utilisant le shampoing au lieu du gel douche…

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