Retourner aux articles

L’homme face au changement – Partie 1/3

« Ce ne sont pas les espèces les plus robustes qui survivent, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux à l’évolution » Charles Darwin

 

 

POURQUOI ET QUAND ENTREPRENDRE UN CHANGEMENT ?

Notre monde ne cesse de se transformer, d’évoluer, de voir émerger de nouvelles technologies, de nouvelles façons de faire ou vivre les choses et cela dans des rythmes de plus en plus voulus comme rapides et des simultanéités de sujets.

La capacité de l’Être Humain à travailler son agilité et sa plasticité devient presque un enjeu de survie pour garder (développer ?) de la confiance.

C’est quand « tout va bien » que nous devrions nous questionner sur ce qui mériterait d’être transformé mais « Pourquoi changer puisque tout va bien ? ». Cette capacité s’apparente à penser le futur.

Par exemple, un jeune couple qui décide de s’installer dans un nouvel appartement peut choisir celui-ci en intégrant l’idée d’un enfant qui viendrait, plus tard, agrandir la famille ou bien faire un choix sur les critères de couple sans enfant et se dire que cette installation est provisoire dans son état et donc être prêts à déménager lorsque le projet d’enfant s’installe. Dans le second cas, il est toutefois fort à parier que recherche et déménagement s’opèreront peu de temps avant la naissance de l’enfant.

Quand « ça va mal », chacun a globalement conscience que quelque chose doit être entrepris pour changer ou y remédier. Cela s’avère souvent plus douloureux car perçu comme trop tard, trop rapide, trop important et parfois trop imprévu (changement subi). Les moyens, marges de manœuvres, expérimentations possibles sont souvent plus limités.

Si l’exemple précédent peut sembler étonnant, combien d’entre nous ne prennent pas suffisamment le temps de la réflexion moyen/long terme avant de décider sur des sujets parfois majeurs au motif du « On verra, plus tard, le moment venu ». Si les choses se déroulent sans difficultés apparentes la plupart du temps, interrogeons nous sur notre agilité et notre plasticité pour y parvenir sans trop en souffrir.

 

« Prendre le temps de la réflexion pour acter la décision qui semble la plus appropriée est un temps de plus en plus réduit au risque de confondre vitesse et précipitation, mouvement et agitation, synthèse et raccourci »

 

POURQUOI CHANGER PEUT ÊTRE DIFFICILE : PEU DE TEMPS POUR RÉFLECHIR, PEU DE TEMPS POUR AGIR

Une des plus grandes difficultés actuelle pour penser le futur quand tout va bien est le « besoin » (ou l’apparente nécessité) d’action et « la tête dans le guidon » avec pour effet d’être focalisé sur l’instant présent et la recherche d’un résultat immédiat.

Prendre le temps de la réflexion pour acter la décision qui semble la plus appropriée est un temps de plus en plus réduit au risque de confondre vitesse et précipitation, mouvement et agitation, synthèse et raccourci.

Les choix que nous pouvons faire face à un changement sont souvent pertinents sur l’instant car ils résultent du bon sens et de l’intuition sur les choses. La difficulté réside souvent dans le peu de temps consacré à cela pour les monter en conscience renforcée par un traitement émotionnel en raison du peu de temps pour s’adapter.

 

EN MATIÈRE DE « CONDUITE DU CHANGEMENT », LES CROYANCES NE MANQUENT PAS :

Le temps et la communication sont primordiaux, ils sont souvent négligés :

🔶 Plus nous disposons de temps entre l’annonce (la découverte) et la réalité d’un changement, plus nous pouvons nous y préparer, moins il sera subi.

🔶 Il conviendrait de communiquer au plus tôt, avec force et régularité, quant à l’existence de la transformation, voire sur son caractère inéluctable (radical). C’est une communication sur la forme de la réalité en cours alors là même que cette communication sera peu certaine et fiable sur le fond. Tout futur étant hypothétique par définition, nous ne sommes sûr de rien hors d’une volonté d’agir dans une certaine direction.

Pour autant, on observe une sorte de black out sur le sujet « de peur de n’avoir pas grand-chose à dire sur le fond » (sujet pas encore suffisamment avancé, cible incertaine, peur de faire peur et/ou d’inconforter, éviter des rumeurs, …) alors là même que le sujet de changement se diffuse probablement par des canaux moins maîtrisés, que les individus ne sont pas fous et observent qu’il se passe quelque chose.

Il existe également une sorte d’auto persuasion qui consiste à croire qu’il suffit de mettre l’individu devant le fait accompli pour qu’il se plie à la nouvelle situation.

🔶 Ce phénomène attendu ne correspond en rien à la réalité et est un déni du libre arbitre dont chacun de nous peut (doit) faire preuve pour appréhender un changement. Le fait qu’il puisse alors exister des résistances étonne celui ou ceux qui en sont à la manœuvre et s’évoque souvent sur un ton caustique autour de la réfraction au changement.

🔶 L’Homme n’est pas fou. Si ce qu’il perçoit perdre ou devoir renoncer est important, voire essentiel, pour lui, il est normal et souhaitable qu’il entre en résistance.

Une communication soutenue, sur la forme, quant à la réalité du projet de changement serait moins pernicieuse et permettrait à chacun de s’y préparer. « Je ne sais pas vraiment ce qui va changer mais je sais que nous allons dans le sens d’une transformation » en forme de leitmotiv.

Cette approche est une toute autre affaire. Dans la pratique, le black-out se combine avec un message calibré pour apaiser « … mais, soyons rassurés, pour nous cela ne va rien changer ! » asséné en forme de vérité. Sans parler de mensonge il convient de considérer que toute organisation/système qui se réforme finit toujours par demander aux individus qui le composent de changer.

Entre évolution et révolution, c’est le nombre de tâches/processus et leur importance qui permettra de déterminer l’amplitude du déplacement du futur projeté.

 

NE PAS VOULOIR CHANGER, TRÈS BIEN… A CONDITION DE SAVOIR POURQUOI ET ÊTRE PRÊT A VIVRE UN AUTRE CHANGEMENT

Ne pas vouloir d’un changement ne doit pas être considéré, quasi systématiquement, comme un problème.

Seuls ceux que l’on sait véritablement inéluctables et sans autre issue que de devoir le vivre posent problèmes. Ceux qui ont cette caractéristique ne sont pas si nombreux dans le contexte professionnel.

En revanche il serait souhaitable de se préparer à en vivre un autre s’il s’agit d’un changement sur lequel nous n’avons pas la main (changement subi).

Il est préférable de préparer son mouvement vers un autre univers, donc vivre un changement qui lui est encore différent, que de vouloir croire que le changement qui est en train de s’imposer à nous va se stopper de lui-même ou que les choses vont s’améliorer d’elles-mêmes.

Si la perte perçue semble supérieure et durable au gain, alors changer est presque une question d’«hygiène mentale» pour ne pas risquer de sombrer dans une aigreur permanente. Dire, partager (se mettre d’accord) et agir permettent à tous de limiter les obstacles.

 

L’UNICITÉ DU CHANGEMENT

Le premier élément à considérer est que chaque être humain, face aux multiples changements à opérer, ne les vivra jamais de la même façon.

Nous pouvons progresser dans la compréhension de ce qui se passe, comment le vivre, comment l’accompagner. Nous gagnons rarement en assurance de traverser sereinement un futur changement. Cela dépendra de ce que nous devrons « laisser au bord de la route » et de l’importance que cela représente à nos yeux, même dans un changement qualifié d’évolution.

De la même façon, entre 2 individus vivant le même changement au même moment, ils vivront ce changement différemment.

 

« Chaque changement est unique, il se doit donc d’être nommé »

 

LES POINTS CLÉS A CONSIDÉRER SONT LES SUIVANTS :

🔶 Chaque changement est unique, il se doit donc d’être nommé.

🔶 La résistance au changement est un phénomène normal et naturel, il convient donc de l’accepter.

🔶 Les phases s’enchainent inexorablement, la durée de notre séjour dans chacune ainsi que la conscience de leur existence est variable d’un individu à l’autre, d’un changement à l’autre.

🔶 Ce processus est illustré par une courbe du changement, dont la durée et la conscience sont souvent liées, certes à l’intensité du changement à opérer, mais surtout à l’importance des abandons (les deuils) qui devront être faits par la personne et son penchant naturel à entrer dans l’angle mort de la nouveauté.

🔶 Le temps donné pour accomplir le changement est une donnée que va devoir intégrer la personne qui vit mais également le manager qui accompagne un changement

 

LA COURBE DU CHANGEMENT

Les macros phases que nous traversons en vivant un changement sont au nombre de 4 et vont se caractériser par des comportements distincts.

1 – Le refus est notre première phase, nous ne souhaitons pas changer et nous sommes parfois très brillants pour résister, surtout si nous subissons le changement. Cela peut conduire à des actions littéralement de sabotage.

2 – La seconde phase est la résignation : nous ne voulons toujours pas du changement mais nous ne luttons plus, nous pouvons être déprimés car nous ne voyons ni quoi et encore moins comment changer.

3 – La troisième phase est l’exploration, nous n’allons pas vraiment mieux. Nous expérimentons de nouvelles voies mais les résultats ne sont pas toujours à la hauteur de nos espérances.

4 – Vient enfin le temps de l’appropriation, la quatrième phase, celle où nous sommes heureux que cela soit terminé et ou parfois, on se demande comment nous avons pu faire « sans » par le passé.

Pour cette dernière phase, plutôt que de rechercher à être « propriétaire » du nouvel espace créé par le changement, cherchons simplement à être un bon utilisateur de ce que nous y trouvons. En effet, une trop grande volonté de maîtrise du nouvel espace, combinée avec les nombreux changements toujours à opérer et la faible durabilité des choses peut, de facto, porter les germes de la résistance de demain si ce nouvel espace vient de nouveau à changer.

De plus cette capacité à être dans l’exploitation (nouveau nom proposé pour cette phase) développe la curiosité, la plasticité donc l’agilité et nous ouvre sur le monde des convictions plutôt que celui des certitudes.

 

LES FONDEMENTS DE LA COURBE DU CHANGEMENT

Les fondamentaux de la compréhension des comportements humains face aux changements reposent principalement sur les travaux d’Elisabeth KÜBLER ROSS, Psychiatre et pionnière de la Thanatologie moderne – étude des signes, conditions, causes et natures de la mort -, du mouvement des soins palliatifs et de l’accompagnement des personnes en deuil.

Si l’acceptation de la dimension émotionnelle semble indissociable de la démarche dans ce domaine, cette dimension ne doit pas être négligée lorsqu’on la transpose dans des univers « plus légers » y compris l’univers professionnel. Elle fait partie intégrante de la démarche.

 

L’INÉLUCTABILITÉ DU CHANGEMENT

Comprendre le processus par lequel nous passons lorsque nous rencontrons un changement et le comportement que nous sommes susceptibles de déployer à chaque phase du processus, peut être utile pour le soutien de soi et des autres.

Le point clé c’est que le changement déclenche un cycle de réactions et de sentiments prévisibles. Et cela se produit sans exception, que le changement soit planifié ou que l’on soit pris par surprise.

L’intensité de l’expérience à chaque phase et le temps où quelqu’un restera à chaque phase dépendra à chaque fois de la personnalité de l’individu qui y est confronté et de la nature du changement.

 

 

 

 

Ils ont pu le dire ou le penser :

« L’expérience est une lanterne accrochée à notre dos qui n’éclaire que le chemin parcouru. » LAO TSEU
« Il n’est rien de constant, excepté le changement.
» BOUDDHA
« Le voyage de la découverte ne consiste pas à découvrir de nouveaux paysages mais à avoir de nouveaux yeux » MARCEL PROUST
« On ne gère pas le changement, on peut simplement en prendre la tête » PETER DRUCKER
« Vous voyez les choses et vous dites pourquoi ? Moi je rêve des choses qui n’ont jamais existé et je dis pourquoi pas. » GEORGES BERNARD SHAW
« Il vaut mieux penser le changement que changer le pansement. » FRANCIS BLANCHE

 

QUELQUES PRINCIPES CLÉS

L’humain est imprévisible … mais pas stupide … donc gérable.
Les phases s’enchaînent, consciemment ou inconsciemment, inexorablement = l’une est la dynamique de l’autre.
Le niveau de conscience résulte souvent du caractère subi et/ou malheureux « perçu » du changement.
Résister est un phénomène normal et naturel. Il convient donc de l’accepter.

 

Voir la deuxième partie de l’article : « Vivre la courbe du changement »
Voir la troisième partie de l’article : « Les étapes du changement »

ARTICLE ÉCRIT PAR PASCAL BOQUET – AVRIL 2022

Retourner aux articles

Partager

Partager