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Rencontre avec Laurence Ballone-Burini, Secrétaire générale de Grandes Écoles au Féminin

Nous avons interviewé Laurence Ballone-Burini, Directrice juridique d’Eiffage Construction et Secrétaire Générale de Grandes Écoles au Féminin, afin qu’elle nous partage son point de vue et son engagement sur la place des femmes dans l’entreprise.

 

 

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis Laurence Ballone-Burini. Je suis directrice juridique d’Eiffage Construction donc je travaille dans l’activité passionnante du BTP.

Je suis diplômée en droit des affaires avec DESS de droit des affaires et un Master spécialisé en droit des affaires internationales et management de l’ESSEC.

Je suis dans un secteur dit d’hommes et j’y suis depuis longtemps car j’ai commencé ma carrière dans le BTP quand j’avais 22 ans, donc c’était il y a quelques années.
Et effectivement, c’était un secteur encore plus masculin qu’aujourd’hui.

 

Est-ce pour cela que vous êtes engagée pour la place des femmes ?

Pas du tout. En fait je pense que c’est plutôt lié à une prise de conscience de la société aujourd’hui. C’est quelque chose qui m’a intéressée depuis un peu plus de 20 ans déjà et qui n’est pas lié à mon expérience personnelle mais simplement à un souhait de plus d’égalité, de mixité et de partage.

Je ne suis pas du tout d’ailleurs favorable à des milieux 100% masculins mais pas non plus 100% féminins.
Je pense qu’on est extrêmement complémentaire. On a beaucoup de choses à s’apporter, que ce soit d’un point de vue caractère, expérience, approche, manière de voir et de vivre les choses. Psychologie aussi peut être, sans tomber dans les stéréotypes ni masculin ni féminin.

Et puis ensuite, je trouve qu’il y a une idée d’inégalité dans le monde d’une manière générale qu’il est important d’essayer de réguler un petit peu mieux.
Et comme on a la chance d’habiter dans un pays occidental avec un certain nombre de libertés, finalement je trouve qu’il faut parachever l’égalité hommes/femmes dans le monde de l’entreprise et dans le monde économique.

 

Comment votre engagement se manifeste-t-il ?

Mon engagement s’est traduit dans l’associatif puisque je fais partie de Grandes Écoles au Féminin (GEF). J’en suis secrétaire générale et j’appartiens à ce réseau depuis 10 ans.

Auparavant j’ai appartenu à un autre réseau féminin. Donc c’est un engagement assez constant.

Et chez GEF, on œuvre en particulier pour évidemment l’égalité hommes/femmes, mais surtout la promotion des femmes dans les sphères professionnelles et de l’administration, pas que dans les entreprises : les sphères économiques en général et en particulier pour l’accès des femmes à des postes de direction.
Donc avoir des places à la hauteur de leur talent, des études qu’elles ont faites également, puisque on représente les 10 plus grandes écoles françaises. Donc on est un vivier de talents importants à faire promouvoir donc on œuvre a ça et on le fait de différentes manières.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur les actions menées ?

Chez GEF, nous avons plusieurs axes d’actions.

On organise des petits déjeuners depuis de longues années et on peut se targuer d’avoir finalement, je ne dis pas d’avoir écumé tout le CAC 40, mais on avait commencé par vouloir sensibiliser les grands patrons à cette importance de la mixité de la promotion des femmes dans l’entreprise et de l’accès des femmes à des postes de direction.

C’est quelque chose qui marche extrêmement bien donc on continue à avoir des invités très régulièrement, qu’on a un petit peu diversifié.
Et tout ce qu’on va faire va marquer à la fois l’invité, qui après va – en revenant dans son entreprise, dans son groupe ou son administration, en tout cas dans son cénacle professionnel – pouvoir aussi continuer à œuvrer ou en tout cas prendre conscience qu’il y a des sujets à traiter et pourquoi c’est important : parce que justement, ça va être gagnantgagnant pour tout le monde.

On fait des études également tous les deux ans – d’ailleurs au départ on s’appelait GEF études.
Donc on fait des études tous les deux ans de manière très professionnelle puisqu’on s’entoure d’instituts connus de statistiques.
On interroge aussi notre vivier d’écoles, on interroge également des interlocuteurs extérieurs pour faire ces études.

Et ensuite, on présente le résultat de cette étude en public. On publie aussi des articles et on a des articles qui sont publiés également sur ces études. Donc elles apportent aussi leur pierre à l’édifice puisqu’on a des fois sorti de ces études des propositions concrètes d’actions.

On avait fait lors d’une étude, le plan d’action GEF. C’est une étude qui a déjà quelques années, mais on voit aujourd’hui que certaines de ces idées – qui n’étaient pas que les nôtres d’ailleurs – sont intégrées dans nos modes d’action, nos modes de pensée et dans celle des entreprises, donc c’est tout à fait satisfaisant.

On est également régulièrement interrogés par les pouvoirs publics pour des projets de lois.
On l’a été dans le cadre de la loi Copé-Zimmermann et dans le cadre de la loi Rixain.
C’est non seulement satisfaisant mais aussi très concret car ça nous permet de participer au débat public, voire de rédiger des propositions de disposition. Et on peut aussi décider de proposer des orientations à des pouvoirs publics.

 

Selon vous, qu’est ce qui a fait avancer le combat pour l’égalité femmes/hommes ?

A titre personnel, je pense que ce qui fait le plus avancer c’est d’avoir des textes qui sont extrêmement forts et incitatifs.
Et évidemment, des textes qui, quelque part, ont des mesures coercitives.

Mais finalement, ça a aussi des vertus d’entraîner une prise de conscience, puisque ça devient également quelque chose de naturel aux entreprises et peut être que s’il n’y avait pas eu de textes, elles ne seraient pas allées aussi loin et aussi vite et elles n’en auraient pas non plus trouvé une richesse. Et je pense qu’à un moment donné, ça devient accepté et acceptable et ça c’est vraiment très agréable.

Donc je pense que c’est ce que je vais retenir essentiellement.
Parce que ça va avoir ensuite un effet de ruissellement vis-à-vis de la promotion des carrières de toutes les femmes et de tous les postes.

 

Quelles sont les difficultés qui subsistent encore aujourd’hui pour les femmes ?

Je pense que c’est le cas de n’importe quelle situation, mais on a des stéréotypes qui ont la vie dure, que ce soit sur les femmes elle-même, sur leurs conditions, leur état d’esprit, leur mode de pensée et d’action.
Et puis aussi évidemment sur la maternité, puisque l’on sait que toute la partie carrière qui est liée à cette période – importante pour tous, hommes comme femmes – ça peut représenter des obstacles ensuite pour le déroulement de la carrière dans l’entreprise et pour les ambitions des intéressées. Mais aussi pour les managers qui vont suivre la carrière de ces femmes. Donc ça reste un obstacle important.

Je remarque ceci dit que dans les jeunes générations, on a quand même aujourd’hui une conception de la parentalité qui a quand même été en évolution notable, donc on verra ce que ça donne.

Et les stéréotypes aussi, inconsciemment, sur les compétences des femmes, sur l’apport qu’une femme peut avoir pour contribuer au débat d’idées.
Je pense que ce qui est peut-être compliqué pour certains cénacles masculins, c’est de s’ouvrir à des formes de caractères auxquels ils ont moins l’habitude, parce que finalement, les cénacles très masculins vont avoir un mode de fonctionnement qui va être récurrent et c’est compliqué de s’ouvrir et de s’adapter à d’autres modes de comportement et de pensée.

Je connais beaucoup de femmes très diplômées, très compétentes et je ne les retrouve pas nécessairement dans les top management des entreprises.
Je trouve ça vraiment dommage parce qu’il y a de très beaux talents.

Pour moi, il y a encore un décalage aujourd’hui donc ça veut dire que les portes ne sont pas suffisamment ouvertes.

 

Orange, Véolia, Engie : 3 entreprises du CAC 40 dirigées par des femmes. Quel regard portez-vous sur ce constat ?

C’est important d’avoir un nombre de femmes significatifs comme dirigeantes parce que ça va entraîner peut être d’autres femmes à gravir les échelons de ces postes là.

Ensuite, numériquement bien sûr c’est insuffisant. Je pense qu’on a vraiment matière à faire mieux en France.
On a réellement ces talents là, on les a dans nos entreprises, dans nos écoles, et je pense qu’il faut dynamiser ce vivier beaucoup plus pour que l’on augmente ce chiffre.

Mais en tout cas, ça donne au moins un certain espoir si on veut juste regarder le côté positif et c’est insuffisant en même temps.

 

Est-ce indispensable de légiférer pour la place des femmes ?

C’est indispensable de légiférer quand les choses ne vont pas assez vite.

A partir du moment où on a ce vivier de talent, que ces femmes ne demandent qu’à s’exprimer et ont très envie d’avoir le pouvoir, non pas pour avoir le pouvoir mais simplement pour changer les choses, pour apporter leur regard, apporter leurs années d’études aussi, d’investissement, d’engagement, elles doivent pouvoir les exercer partout où l’entreprise s’exprime.
Et donc forcément, dans les plus hautes instances et direction des entreprises et des administrations.

 

Malgré les changements positifs, quels sont les sujets à traiter en priorité ?

Il y a beaucoup de choses qui se passent, qui se font, qui se créent et qui se déterminent également à l’école, assez tôt d’ailleurs, que ce soit dans les toutes premières classes mais aussi dans l’évolution du choix des filières, dans l’évolution dans le choix des études et du choix des métiers.

Je pense que là aussi, il y a tout un parcours à tracer pour les femmes, pour les inciter à choisir une diversité de métiers, d’activités, de destinations, peut être plus riches et plus vastes que ce qu’on a aujourd’hui.

 

Pour mener ce combat, les textes de lois sont-ils la seule solution ?

Au niveau des textes, je pense que l’on a un arsenal législatif tout à fait intéressant.
Maintenant, il faut à la fois bien sûr qu’il s’applique dans le temps, puisque la loi Rixain – qui est le dernier texte – est très récent.

Et donc ce n’est pas tellement du côté des textes qu’il faut renforcer mais effectivement, c’est plutôt regarder côté éducation, côté valeurs, côté responsabilité de l’école dans la notion de respect des femmes et des hommes, des talents des uns et des autres.
Peut-être même dans les jeux, essayer de ne pas inscrire trop tôt des stéréotypes qui vont ensuite brider les talents.

Je pense qu’il appartient à chacun, toute génération confondue et que ce soit masculin ou féminin, d’essayer d’œuvrer pour un monde plus égalitaire de manière générale – sans que ce soit quelque chose de naïf de ma part.

Et puis je pense ensuite qu’en tant que parents, on a un rôle extrêmement important de transmission, de valeurs, d’éducation.

Donc oui, l’éducation a un rôle important à jouer je pense.

 

Quels conseils pourriez-vous donner aux femmes d’aujourd’hui ?

C’est peut-être de bien s’entourer. Personnellement évidemment et de bien s’entourer professionnellement aussi.

Je pense que l’on apprend beaucoup des autres mais on est aussi beaucoup aidé par les autres.

Et après, il faut aussi sensibiliser ce même entourage et en particulier sur ces questions si cela nous tient à cœur.

Pour moi, c’est peut-être un des meilleurs conseils car grâce à ce réseau, on peut surmonter plus facilement les obstacles. On peut rencontrer dans sa carrière des personnes inspirantes, aidantes et aussi extrêmement bienveillantes.

Si j’avais un conseil, c’est peut-être de s’accrocher le plus possible.
Je pense que la persévérance est une qualité importante. Tout le monde ne l’a pas, mais c’est important de s’accrocher, de continuer à y croire et de continuer à avoir des ambitions.

 

Un grand merci à Laurence Ballone-Burini pour son temps accordé, sa bienveillance.

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