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Le « bureau » se métamorphose

30 mai 2022 – N°1578
Entreprise&Carrières

Désormais mis en concurrence avec le domicile du fait de l’extension du télétravail, le bureau devient aussi un critère d’attractivité d’autant plus crucial que les candidats se font rares…

« Avant, tout était simple, résume Nicolas Cochard, responsable du pôle recherche et développement du cabinet Kardham, spécialisé dans l’aménagement de lieux de travail… Il y a quinze ans, l’espace de travail était en effet conçu sur une base claire : d’un côté le post de travail, de l’autre la salle de réunion », dit-il. Et l’uniformité a fini par s’imposer à travers la diffusion d’une formule unique… « Ces dernières années, les lieux de travail se sont standardisés du fait d’un modèle économique : la plupart des entreprises, y compris celles du CAC40, étaient devenues locataires, explique Nicolas Cochard. Mais c’est ce type d’environnement que rejette la majorité des salariés car il ne leur permet pas de se situer. »

Avec la crise sanitaire, l’expansion inédite du télétravail et la difficulté à faire revenir les salariés au « bureau », les entreprises se sont sommées de repenser leurs locaux. Les foncières tertiaires encore plus que les autres, de par leur rôle central dans l’élaboration des standards. Icade, l’un des acteurs majeurs de ce secteur, a pris la mesure de l’enjeu en confiant pour la première fois à une seule personnes, Sandrine Hérès, les services de l’environnement de travail et les fonctions de DRH : « Nous affichons ainsi clairement que l’environnement de travail participe à la stratégie RH de l’entreprise », indique-t-elle. Icade a pris en compte les remontées de ses collaborateurs et les données statistiques sur l’occupation des espaces. « Nous offrons davantage de salles de réunions équipées d’écrans tactiles qui combinent application de messagerie et système de visioconférence, bulles d’échanges et phone box, explique-t-elle. Avec toujours une vigilance particulière quant au bruit. Une nouvelle offre de restauration, qui sera durable et solidaire, est également en cours ». Les aménagements dépassent le cadre physique, puisque sont aussi prévus une conciergerie numérique et physique, un parking responsable avec véhicules en partage, un espace pour les vélos électriques et un club de jardinage sur le « roof top ».

 

Donner envie d’y revenir

En se répandant dans les entreprises, cette démarche va-t-elle enclencher une forme de surenchère ? Le laboratoire pharmaceutique Ipsen, propose déjà un nombre de services, dont l’accès à un kiné, à un ostéopathe et à des consultations à distance dans la journée. Mais il compte aller plus loin, explique Latifa Hakkou, sa directrice de l’environnement de travail et présidente de l’Arseg (Association des directeurs de l’environnement de travail) : « Les lieux de travail doivent devenir des lieux culturels, afin de partager des moments et favoriser l’interactivité. C’est ce qui donnera envie aux collaborateurs d’y venir et d’y travailler. Nous envisageons d’organiser des rencontres avec des experts extérieurs, y compris de domaines sans lien avec notre cœur de métier. Par ailleurs, les collaborateurs eux-mêmes pourront aussi organiser des rencontres autour de thèmes qui les intéressent. »

Attention toutefois, à ne pas céder à la magie des mots : « Une salle de créativité, si bien conçue soit-elle, ne peut pas garantir que les idées vont fuser », prévient Nicolas Cochard, car « l’attribution d’une fonction à un lieu n’assure pas le résultat ». Il vaut mieux miser sur des espaces variés. Les salariés auront ainsi le choix et iront vers ceux jugés plus adaptés à telle ou telle activité. « Il faut favoriser la modularité des espaces, de sorte qu’ils puissent être utilisés pour un brainstorming, un team building ou un moment de créativité, poursuit Nicolas Cochard. Les échanges informels les plus riches ont lieu dans les cafétérias, qui sont des endroits propices à la sociabilité. »

Les bureaux gris et standardisés vont en tout cas devenir des souvenirs, puisque « le bureau doit être plus « identitaire » ». Une conviction partagée par Latifa Hakkou : « Les entreprise vont devoir montrer leur véritable identité, avec un fonctionnement qui prenne en compte à la fois leur stratégie, leur organisation et les aspirations de leurs collaborateurs. »

Les locaux deviennent même à ses yeux un atout de recrutement : « Aujourd’hui, certains candidats demandent à visiter les locaux. C’est nouveau. Le lieu de travail est désormais un élément qui peut faire la différence pour préférer une entreprise plutôt qu’une autre – même si la qualité du management reste l’élément le plus déterminant. »

L’aménagement des locaux est en effet inséparable des relations managériales, rappelle Natalène Levieil, directrice en charge des la QVT du cabinet LHH : « Les locaux et leur aménagement sont les premiers éléments visibles de l’attention de l’entreprise au bien-être des collaborateurs. Pour autant, s’il n’y a pas aussi un investissement managérial dans le sens du travail, le relationnel et le feed-back, alors la fidélisation ne sera pas au rendez-vous », prévient-elle.

Désormais incontournables, ces aménagements vont-ils atteindre leurs objectifs ? « Le taux de retour au bureau est le premier indicateur de succès d’une stratégie de réaménagement, explique Natalène Levieil. Le deuxième indicateur proviendra des enquêtes relatives au climat social qui, idéalement, doivent intégrer cette dimension dans leur questionnement.

Enfin, le troisième indicateur sera la productivité sur les activités en interfaces. Il faut, cependant, être vigilant quant au facteur temps. » De fait, les réaménagements de locaux ne produisent pas immédiatement tous leurs effets. Plusieurs mois sont nécessaires avant d’avoir un retour d’expérience consistant… GILMAL SEQUEIRA MARTINS

 

 

 ALEXIS TRICOIRE, Designer et architecte d’intérieur, souligne la percée du végétal sur le lieu de travail…

« Les plantes réduisent le taux d’absentéisme »

« Depuis dix ans, il y a une prise en compte croissante des bienfaits de la nature dans les lieux de travail. Depuis la Révolution industrielle, la nature était à l’extérieur et le lieu de travail un endroit « minéralisé ». Les plantes favorisent la dépollution et régulent le taux d’humidité dans l’air. Elles contribuent à réduire l’absentéisme jusqu’à 20%. Tous ces résultats sont au rendez-vous si les installations sont bien conçues et bien entretenues. L’investissement nécessaire dépend de la surface. Pour un plateau pouvant accueillir 200 salariés, il faut compter entre 30 000 à 40 000 euros. »

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